La thématique Matière et matérialité, proposée par la candidature française pour le 36e congrès du CIHA en 2024, ouvre donc à des questionnements très actuels, en pleine évolution, en phase avec des enjeux sociétaux de premier ordre. Elle offrira l’opportunité d’un fructueux dialogue interculturel et interdisciplinaire sur des questions qui poussent à poser un regard transversal, dans le temps et dans l’espace, et à croiser les approches tant sur le plan théorique que méthodologique. Elle intéresse les artefacts de toute nature, de tous les temps et de toutes les aires culturelles, et répond ainsi au tournant global amorcé lors du congrès de Melbourne en 2008. Elle entrerait également en résonance avec le congrès du CIHA de Nuremberg de 2012, qui avait centré ses débats sur le « défi de l’objet ». Ce choix particulièrement judicieux intervenait au moment où le « Material turn » était constaté par les premières tentatives de synthèse.
Dans ce contexte en mutations rapides, l’histoire de l’art peut et doit contribuer à la réflexion sur le rapport de l’homme à son environnement à partir de sa connaissance des œuvres d’art dont une des caractéristiques essentielles a toujours été de travailler des matières et de conférer aux objets obtenus des propriétés et des valeurs complémentaires. Ce processus qui hérite de pratiques magiques ou sacrées, vise par exemple à donner l’illusion que telle divinité est présente devant le fidèle, que quelques pigments liés et étendus sur un support sont transformés en ciel dans un paysage ou en visage dans un portrait. Il permet de conserver indéfiniment la perfection d’un corps dans le marbre d’une statue ou l’apparence d’une personne chère après sa disparition physique (Florence 2019). Ces propriétés découlent de la matérialité de l’œuvre dont la présence concrète se manifeste par les effets de texture, de surfaces, de poids, d’extension dans l’espace, de formats, de traces gestuelles, d’effets de matière. La notion de matérialité renvoie donc au fait que les artefacts qui intéressent l’histoire de l’art sont composés de matériaux et, à un niveau théorique, à tous les processus – techniques, culturels et sociaux – qui sous-tendent la réalisation et la perception matérielles des œuvres.
Si les thèmes de la matière et de la matérialité n’ont été abordés que de manière implicite et partielle lors des précédents récents congrès, le regain d’intérêt et le renouvellement de la recherche qu’ils suscitent actuellement, et pour des années encore, lui donnent sa pertinence comme thématique fédératrice susceptible de mobiliser l’ensemble de la communauté internationale des chercheurs en histoire de l’art.